Les idées bougent

03 Fév 2023 | Nouvelles

Il y a de cela une vingtaine d’années, le paysage politique, médiatique et culturel (notamment littéraire) était divisé en trois tendances antagonistes. L’extrême gauche dans toutes ses variantes, la pensée officielle représentée par les partis politiques traditionnels libéraux et socialistes, les médias subsidiés et le secteur culturel tout aussi subsidié et enfin la pensée conservatrice, indifféremment qualifiée d’extrême droite, de poujadiste, de populiste, de réactionnaire, de néo-tout-ce qu’on-veut, selon les époques. Remarquons d’emblée l’extraordinaire porosité qui existait, et qui existe toujours, entre la première et la deuxième. Seuls les mouvements de droite nationale et les publications indépendantes, comme Valeurs Actuelles, Eléments, Causeur et bien d’autres en France et une série d’écrivains et de philosophes comme Michel Houellebecq, Michel Onfray ou Alain Finkielkraut, conservent leur originalité et leur totale indépendance vis-à-vis du pouvoir politique et des lobbies étrangers ou non. Plus intéressant encore, nombre de ces intellectuels brillants et atypiques se définissent comme appartenant à la pensée de gauche.

En France, c’est sans doute ce glissement, me semble-t-il assez soudain, d’une partie non négligeable de l’intelligentsia vers une remise en cause des «cordons sanitaires» idéologiques qui en science politiques est l’un des événements les plus remarquables du début du 21ème siècle.

Il existe donc bel et bien une gauche lucide qui ne mélange pas générosité et suicide collectif, qui ne considère pas le patriotisme comme une maladie honteuse et qui estime qu’aucun débat sérieux n’est possible sur la question de l’immigration sans faire les constats cliniques qui s’imposent et donc de constater, chiffres en mains, que le paradis multiculturel de la gauche béate s’est transformé en cauchemar pour les «classes laborieuses» qu’elle prétend pourtant défendre et représenter.

 

Houellebeq et Onfray, des voix dissidentes

Dans la dernière revue du Front populaire Michel Onfray et Michel Houellebecq ont conversé durant 45 pages sur une question: «Fin de l’occident?». Le philosophe et l’écrivain ont abordé des sujets brûlants tels que l’immigration. Michel Houellebecq a évoqué le «Grand remplacement», qui détaille l’idée selon laquelle le peuple français serait progressivement substitué par une population immigrée. «J’ai été très choqué qu’on appelle ça une théorie. Ce n’est pas une théorie, c’est un fait », a assuré l’écrivain. Ce à quoi Michel Onfray a d’ailleurs ajouté que «c’est objectivement ce que disent les chiffres». Pour les deux intellectuels, le déclin démographique de l’Occident est inéluctable. «La France ne décline pas davantage que les autres pays européens, mais elle a une conscience exceptionnellement élevée de son propre déclin», a renchéri Michel Houellebecq. L’air du temps serait-il à la lucidité?

Les grandes fractures du passé, celle du savoir et de l’ignorance, celle de la richesse et de la pauvreté et celle plus récente de la digitalisation, sont aujourd’hui supplantées par la fracture entre le réel et l’abstraction, entre le bon sens et l’ahurissante obsession de l’égalité, entre le mondialisme et l’enracinement, entre le vrais et le faux.

 

Un volcan en phase de réveil

Le fait est que nous vivons désormais sur un volcan en phase de réveil. Nous voyons partout une bipolarisation des électorats où deux visions du monde s’affrontent avec d’un côté une vision mondialiste et de l’autre une vision nationaliste: un Brexit arraché à 51,89 %, deux élections présidentielles américaines remportées à un chouia au-dessus des 50% d’abord par Donald Trump et ensuite par Joe Biden, les récentes élections présidentielles brésiliennes remportée par Luiz Inácio Lula da Silva contre Jair Bolsonaro avec 50,90 % des voix, les élections présidentielles françaises qui voit le Président sortant Emanuel Macron l’emporter face à Marine Le Pen avec 58,55 % des suffrages exprimés contre 41,45 % à la candidate du Rassemblement National. Dans le cas français, l’écart est en effet plus significatif, indiscutablement, mais quel bouleversement du paysage politique hexagonal!

Désormais en France, quatre électeurs sur dix votent pour un parti clairement nationaliste. C’est un séisme politique. Nous devons nous réjouir que partout dans le monde le bon sens gagne du terrain, à tel point qu’il est en mesure de remporter le pouvoir exécutif dans des pays puissants sur la scène internationale.

Mais nous sommes dans une phase critique, celle qui flirte avec les 50%. Quand une société est divisée à part égale sur des questions fondamentales comme celles de la nation, de l’identité, de la souveraineté, de l’immigration et de la liberté, tous les dangers sont envisageables. Le danger le plus évident est celui d’une agitation sociale incitée par des syndicats politisés qui refusent le résultat des urnes, par exemple, ou des populations allochtones manipulées ou non qui elles aussi refuseraient le résultat des élections.

Pour éviter ce chaos, nous devons tout mettre en œuvre pour que nos idées triomphent de façons nettes, avec un écart d’au moins cinq pourcents au-dessus des cinquante pourcents. Nous voyons bien que ce qui paraissait inenvisageable il y a encore vingt ans est désormais à portée d’élection, nous observons des glissements dans le monde politique, médiatique, culturel et particulièrement dans le monde littéraire et philosophique. C’est, pour reprendre une expression chère à la gauche marxiste, la nécessaire «convergence des luttes» qui donne l’espoir de voir nos idéaux se concrétiser. Nous vivons une époque qui n’est sans doute pas formidable du tout mais qui est absolument passionnante.

 

Patrick Sessler

Ancien député