INAPTOCRATIE versus ADHOCRATIE

11 Mai 2022 | Nouvelles

Les problèmes gigantesques que rencontrent nos sociétés industrialisées, et leurs causes, sont divers et multiples. Parmi ces causes, force est de constater une incompétence qui se révèle à tous les niveaux de l’organisation de l’Etat. Les exemples sont légion, comme les criminels libérés en raison de fautes de procédures ou l’impréparation criminelle au moment de l’éclatement de la crise sanitaire. Il ne se passe pas une semaine sans que la presse nous informe d’un couac d’envergure. Par ailleurs, quiconque est confronté aux méandres de nos administrations sait de quoi nous parlons.

L’inaptocratie, selon une définition ironique de Jean d’Ormesson, consiste en un système de gouvernement où les moins capables de gouverner sont élus par les moins capables de produire et où les autres membres de la société les moins aptes à subvenir à eux-mêmes ou à réussir, sont récompensés par des biens et des services qui ont été payés par la confiscation de la richesse et du travail d’un nombre de producteurs en diminution continuelle.

En Europe, la crise des migrants en 2015 et la crise sanitaire ensuite sont des exemples désormais classiques des dangers de l’inaptocratie. En théorie, un gouvernement d’inaptocrates est donc un système de gouvernement mené par des incompétents, mis en place par d’autres incompétents. Pour pallier cette inaptocratie, il faut sans aucun doute relever la qualité des formations, réintroduire la notion de conscience professionnelle et dans les services publics rappeler sans cesse la notion de service au public, avec ce que cela implique de dévouement et de proactivité.

Par contre, sur le plan de l’inaptocratie régnante dans le monde politique, la question est plus épineuse. Les gouvernements sont formés de savants dosages entre les partis et à l’intérieur des partis. Les portefeuilles ministériels sont à partager, mais ces partis n’ont pas toujours dans leurs rangs la personne la plus adéquate pour remplir la fonction. Ces ministres parachutés sont alors l’otage des hauts fonctionnaires inamovibles. L’idée des gouvernements technocratiques n’est pas neuve et il faut reconnaître son déficit démocratique. On ne peut donc y recourir qu’en cas d’impasse totale et pour une période circonscrite. Il n’y donc pas de solution miracle, sauf une peut-être, le sens de l’Etat qui implique le sens des responsabilités. N’avoir à l’esprit QUE l’intérêt général, même si ce doit être au prix d’une défaite électorale. Faire don de sa personne à l’idéal qui devrait être celui de toute femme et de tout homme politique, c’est-à-dire SERVIR. Cet état d’esprit ne s’impose pas par des lois et ne s’apprend pas, c’est une question de tripe et de sens de l’honneur. Nous en sommes loin aujourd’hui.

 

Par contre, l’organisation des services publics comme des sociétés privées peut être améliorée. Ainsi, loin des cadres bureaucratiques, le recours au modèle le plus efficient existant, c’est-à-dire la nature, s’impose. C’est sur ce constat qu’est né le concept d’adhocratie. L’adhocratie est un néologisme (provenant du terme latin «ad hoc») utilisé pour désigner une configuration organisationnelle qui mobilise, dans un contexte d’environnements instables et complexes, des compétences pluridisciplinaires et transversales, pour mener à bien des missions précises (comme la résolution de problèmes, la recherche d’efficience en matière de gestion, le développement d’un nouveau produit, etc.).

Ce concept organisationnel s’oppose à la bureaucratie. L’expression «ad hoc» indique en effet que les personnes choisies dans l’organisation travaillent dans le cadre de groupes-projets peu formalisés qui bénéficient d’une autonomie importante par rapport aux procédures et aux relations hiérarchiques normalement en vigueur. Au sein d’une équipe adhocratique, le mécanisme principal de coordination entre les opérateurs est l’ajustement mutuel. Cette caractéristique fait de l’adhocratique un mode de management souple, souvent comparé au fonctionnement normal de la nature.

L’organisation adhocratique est utilisée par plusieurs grandes firmes, comme la NASA ou Motorola, pour mener des projets d’envergure.

Voilà matière à réflexion. Une réflexion que les administrations et les structures politiques doivent initier rapidement et, les conclusions tirées, prendre les mesures qui s’imposent si nous ne voulons pas ressembler à terme à l’une de ces républiques africaines que nous subsidions par ailleurs au lieu d’investir dans le service public.

 

Patrick Sessler

Ancien député

 

(Source: wikipédia pour l’adhocratie)