L’après premier tour : un déferlement de haine et de bêtise

03 Juil 2024 | Nouvelles

En deux coups de cuiller à pot, d’abord avec les élections européennes et ensuite avec le premier tour des législatives anticipées, la France politique vient de vivre un séisme politique de magnitude 8,9. C’est désormais un fait, le Rassemblement National est la plus grande force politique en France et c’est le tandem Marine Le Pen/Jordan Bardella, redoutable d’efficacité, qui détermine l’agenda politique de l’hexagone. Le peuple s’est exprimé et un tiers des suffrages se portent sur le RN. En démocratie il est donc normal que ces électeurs soient respectés, écoutés et si possible compris. En démocratie il est donc normal que les élus, les représentants et les porte-parole du RN soient écoutés, questionnés et même contredit, dans un climat serein.

Comme climat serein, on est servi !

Jamais je n’ai vu autant de haine se déchaîner sur les plateaux de télévision. C’est comme si soudainement tout était permis, y compris l’inimaginable! Ceux-là même qui criaient au «pas d’amalgame» après les attentats islamistes sortent aujourd’hui les fantômes de «la période la plus noire de l’histoire de France» pour instruire exclusivement à charge le procès en nazisme putatif du Rassemblement National et sa horde de barbares sanguinaires qui s’apprêtent à déferler sur l’Assemblée nationale. Il fallait voir, le soir du premier tour, l’histrion Dupont-Moretti (Moriarty ?), ce rondouillard sans bonhomie qui pérore plus vite que son ombre en jouant de l’indignation tonitruante pour éluder les questions de fond. Celle de son bilan comme ministre de la Justice, par exemple.

Il fallait voir, les esprits chagrins et revanchards annoncer l’apocalypse si les Françaises et les Français décidaient au deuxième tour de donner la majorité absolue à Jordan Bardella et d’ainsi le propulser à la fonction de premier ministre d’un gouvernement décidé à abroger le droit du sol pour revenir à la loi du sang.

 

Abroger la loi du sol!

Il fallait les voir s’étrangler, les donzelles à l’auriculaire moralisateur, à l’œil humide et aux superlatifs mortifères, sortir le vieil Alexis Carrel de son cercueil. Pour mémoire ledit Carrel avait obtenu le prix Nobel de médecine en 1922 et il est considéré le père de l’eugénisme en France. Vous voyez où ils veulent en venir? L’abrogation du droit du sol, c’est le retour du droit du sang. Le droit du sang c’est dire que pour être français il faut être de parents français. Être Français parce que de parents français serait une discrimination insupportable et relèverai de l’eugénisme, donc de la pensée monstrueuse d’Alexis Carrel, donc du nazisme. CQFD ! Voilà, voilà, voilà…

Il s’agit en réalité de faire en sorte que quiconque qui naît sur le sol français ne puisse plus obtenir automatiquement la nationalité française. Ni plus, ni moins. Parce que la nationalité d’un pays doit se demander et se mériter. Ni plus ni moins. Plus amusant, à Mayotte, territoire français d’outre-mer, la République française, le Gouvernement français (dont le véhément bouledogue Moretti est un membre éminent), a décidé d’abroger le droit du sol afin d’endiguer le flux de femmes étrangères qui venaient y accoucher pour que leur progéniture puisse jouir des avantages de la nationalité française. De fait, depuis le 1er mars 2019, en application de la loi du 10 septembre 2018, un nombre important d’enfants nés à Mayotte de parents étrangers n’a plus accès à la nationalité française. Selon les chiffres communiqués par le ministère, le nombre d’acquisitions de la nationalité française à Mayotte est passé de 2.900 en 2018 à 900 en 2022. C’est ce que Jordan Bardella propose d’étendre à l’ensemble du territoire français.

Remettons délicatement Alexis Carrel dans son cercueil, oublions les raccourcis historiques oiseux, les grands chevaux de l’indignation surjouée et revenons à la réalité. La proposition du Rassemblement National est bel et bien dans le champ républicain, elle est parfaitement légale puisque déjà appliquée sur une partie du territoire français et elle est efficace comme le montrent les chiffres.

 

Double nationalité et apoplexie

Autre sujet qui pousse une partie de l’intelligentsia française au bord de l’apoplexie, c’est la question de la double nationalité. Le Rassemblement National est d’avis, pour des raisons évidentes de sécurité, qu’il vaut mieux ne pas nommer des personnes détentrices de la double nationalité pour certaines fonctions stratégiquement sensibles. Il ne remet pas fondamentalement en cause le droit à la double nationalité. En clair, il vaut mieux, par exemple, ne pas nommer une personne qui possède la double nationalité franco-iranienne à un poste à haute responsabilité dans le programme nucléaire français. Il ne s’agit pas de discriminer, d’établir une hiérarchie entre les Français ou de vexer inutilement des personnes, comme le prétendent les moins-comprenants professionnels qui squattent les plateaux de télévision depuis des années.

Il s’agit du plus élémentaire principe de précaution. Comme la technologie ne nous permet pas encore de sonder les âmes, comment peut-on être sûr de la loyauté d’un binational au cas où son autre pays est en conflit avec la France? Voilà une question à laquelle les «experts» télévisuels ne répondent pas, et pour cause. Il n’y a pas de réponse. Par conséquent c’est le principe de précaution qui doit prévaloir sur toute autre considération pour assurer la sécurité du plus grand nombre. Toute personne douée d’un minimum de bon sens le comprendra aisément. Sauf les Dupont-Moretti, Bernard-Henri Lévy et autres idiots utiles d’un régime à l’agonie.

Le signal donné par les électeurs français aux élites dominatrices a deux effets. Celui de la haine éructée, que je viens de décrire en partie et celui de la prise de conscience de certains esprits restés libres, aussi à gauche. Ainsi cette tribune tellement courageuse écrite par Ariane Mnouchkine* publiée par le quotidien Libération, dont l’extrait qui suit est bouleversant d’honnêteté: «Je nous pense, en partie, responsables, nous, gens de gauche, nous, gens de culture. On a lâché le peuple, on n’a pas voulu écouter les peurs, les angoisses. Quand les gens disaient ce qu’ils voyaient, on leur disait qu’ils se trompaient, qu’ils ne voyaient pas ce qu’ils voyaient. Ce n’était qu’un sentiment trompeur, leur disait-on. Puis, comme ils insistaient, on leur a dit qu’ils étaient des imbéciles, puis, comme ils insistaient de plus belle, on les a traités de salauds».

Les contempteurs des électeurs, des militants et des responsables du Rassemblement National devraient lire et relire cette tribune d’Ariane Mnouchkine, avec humilité et peut être même avec contrition parce qu’ils ont méprisé le peuple dont ils ont prétendu défendre la cause. (Patrick Sessler)

* Metteuse en scène de théâtre et animatrice de la troupe qu’elle a fondée en 1964, le Théâtre du Soleil. Elle est également scénariste et réalisatrice de films.