«Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement…»
Il arrive qu’au détour d’un texte austère traitant d’un sujet extrêmement sérieux se révèle une pépite drolatique. C’est le cas en ce qui concerne une proposition d’ordonnance déposée au Parlement bruxellois par le député socialiste Julien Uyttendaele (le fils de l’avocat et constitutionnaliste que le monde nous envie et qui est, accessoirement, l’époux de Laurette Onkelinx). Cette proposition d’ordonnance est «sobrement» intitulée: «Proposition d’ordonnance modifiant le Nouveau Code électoral communal bruxellois afin de partager proportionnellement et de manière égale entre tous les candidats qui en bénéficient, la voix émise lors de plusieurs votes». En gros, Julien Uyttendaele en a marre du vote ethnico-religieux.
Julien Uyttendaele s’est fait remarquer durant cette législature par sa défense méritoire et acharnée de la laïcité dans l’hémicycle bruxellois et au sein de la régionale du PS, à contre-courant de la tendance islamiste dominante orchestrée par Ahmed Laaouej.
Le point culminant de sa résistance laïque à l’obscurantisme religieux au sein des islamo-socialistes fut le vote au Parlement bruxellois sur l’abattage rituel sans étourdissement. Inutile de rappeler le fond du sujet, les lecteurs de Bruxelles Demain connaissent parfaitement ce dossier. Lors des débats précédant ce vote, Julien Uyttendaele avait tenu un discours courageux en faveur de l’étourdissement, en rappelant les principes fondamentaux de la laïcité et du respect de la vie animale, à l’instar du Vlaams Belang. Depuis lors le torchon brûle entre lui et les islamo-socialistes, au point qu’il a décidé de quitter le PS bruxellois.
Nous écrivions dans la revue francophone du Vlaams Belang, Bruxelles Demain, du deuxième trimestre 2023: «Ce n’est plus un secret pour personne depuis longtemps, le PS bruxellois est malade de sa diversité. Il s’agit de la difficulté croissante de faire vivre ensemble des élus arabo-musulmans, de plus en plus présents au sein et à la tête du PS bruxellois, des élus turco-musulmans et des élus de souche très majoritairement attachés aux valeurs de la laïcité. Au-delà des luttes à mort entre «camarades socialistes» pour s’accaparer les mandats les plus rémunérateurs, c’est en réalité une fracture civilisationnelle qui sépare aujourd’hui les socialistes bruxellois occidentaux et les socialistes bruxellois orientaux».
Julien Uyttendaele constate que lors des élections, de toutes les élections, les arabo-musulmans votent majoritairement pour des candidats arabo-musulmans, les noirs votent majoritairement pour des candidats noirs, et les blancs votent majoritairement pour des candidats blancs. Nous voyons ainsi que ces votes ethnico-religieux influencent considérablement la composition des assemblées. Rassurez-vous, l’élu socialiste, aussi lucide soit-il, ne s’est pas risqué à formuler les choses aussi platement, nous dirions même… aussi clairement.
Pour paraphraser Leibniz, Julien Uyttendaele prend «la paille des mots pour le grain des choses». Nous nous sommes très naturellement souvenus de cette citation hyper connue de Nicolas Boileau Despréaux : «Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément». Nous verrons que pour Julien Uyttendaele, le chemin pour joindre un point A à un point B, n’est définitivement pas la ligne droite.
Voici un extrait de sa proposition d’ordonnance qui vaut son pesant de cuistrerie alambiquée :
«Quatre modèles explicatifs se dégagent des études portant sur les facteurs influençant la probabilité d’opter pour le vote préférentiel. Parmi ceux-ci, celui de l’identification qui repose sur l’hypothèse d’une forme de principe d’appariement qui induit que les électeurs cherchent à voter pour des candidats auxquels ils s’identifient, qui leur ressemblent et/ou qui partagent avec eux certaines caractéristiques sociodémographiques parce qu’ils auraient plus de chances de bien les comprendre et les représenter. L’utilisation par les électeurs de ces raccourcis cognitifs peut expliquer le favoritisme endogroupe.
Ces traits des candidats agissent donc comme des raccourcis décisionnels et cette logique d’identification aura plus d’influence dans les groupes minorisés politiquement. Les recherches en psychologie sociale en matière de discrimination ont permis de confirmer que l’orientation d’un vote n’est pas simplement lié à l’hostilité ou au ressentiment envers les exogroupes, mais elle est aussi souvent enracinée dans les « sentiments, jugements et actions favorables » des gens envers les membres de leur propre groupe. Il en ressort également que les minorités, qu’elles soient de genre, ethnique ou linguistique, sont plus enclines à exprimer un vote préférentiel».
A la première lecture, j’ai cru à une blague, un pastiche, une caricature et j’ai bien ri. Mais pas du tout! Voilà où en arrive lorsque la censure, et pire encore l’autocensure, empêche de dire les choses clairement comme elles sont. Au fond, que veut nous dire Uyttendaele? Que les arabo-musulmans votent majoritairement pour des candidats arabo-musulmans, les noirs votent majoritairement pour des candidats noirs, et les blancs votent majoritairement pour des candidats blancs. Mais cette formulation totalement intelligible pour le plus grand nombre ne répond pas aux normes du politiquement ultra-correct, du wokisme inquisiteur et de la cuistrerie naturelle des pseudo-élites du «camp du bien». Un élu socialiste ne peut pas formuler de cette manière ce qui pourtant est une évidence pour tout le monde. L’ancien Président des socialistes flamands, l’inénarrable Conner Rousseau, n’avait pas pris de tels gants jargonnesques pour dire ce qu’il pense de la communauté Rom. Mais il avait bu. Voilà pourquoi.
Bien, le vote ethnico-religieux est donc un fait avéré mis en équation par les sciences humaines. Le Vlaams Belang en a pris conscience il y a des décennies et il a été qualifié de «semeur de haine et de peur» par les «vrais démocrates». Aujourd’hui, ces mêmes «vrais démocrates» se grattent la tête en se demandant comment ils vont sortir de ce bourbier.
Nous laisserons le bénéfice du doute à Julien Uyttendaele sur sa motivation à cracher dans la soupe électorale socialiste. Est-ce pour défendre les valeurs de la laïcité ou parce que le vote ethnico-religieux opère des transferts de mandats bien rémunérés des socialistes autochtones vers des islamo-socialistes allochtones. Allez savoir…
Patrick Sessler
Ancien député bruxellois